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La danse Bretonne d’hier à aujourd’hui.

Les Bretons pratiquent la danse « avec une sorte de passion », notait déjà un voyageur en 1832 à propos des habitants de Plestin-les-Grèves… Sans doute danse-t-on en Bretagne depuis des siècles, mais la danse bretonne connaît son apogée à la fin du XIXème et au début du XXème siècle. A l’époque, sa pratique était presque exclusivement paysanne : la plus vieille forme est représentée par les danses communautaires, en ronde ou en chaîne (An dro, Hanter dro…), probablement dérivées d’un fond ancien appelé « branle » à la Renaissance, constitué d’une unité de mouvements indéfiniment répétés sur un schéma de 4, 6, ou 8 temps. Cette ronde va se modifier peu à peu, avec l’évolution du mode paysan : chaîne fermée puis ouverte, chaînes de plus en plus courtes, voire cortège de couple comme dans le Kas a Barh vannetais. Les danses à figures, dérivant de la « contredanse », n’apparaissent de façon simplifiée que vers la fin du XIXème siècle. Chaque « pays » affectionne un type de danse particulier (Gavotte autour de Quimper, An dro dans le Morbihan, Dans plinn au sud de Guingamp…) et un instrument particulier. Le « couple biniou-bombarde » est le plus emblématique et le plus répandu, en particulier en Bretagne sud ; le Marais breton-vendéen est le site d’implantation de la veuze, dérivée du biniou ; le violon est plutôt réservé à la Haute-Bretagne ; la vielle à roue persiste en Côtes d’Armor de Saint-Brieuc à Dinan ; la clarinette (treujenn-gaol, littéralement « tronc de chou » en haute Cornouaille ou « tron d’chou » dans le Mené) est surtout présente dans le Centre-Bretagne.

Les occasions de danser étaient nombreuses : après les grands travaux des champs comme la moisson ou les battages, l’arrachage des pommes de terre, la danse permettait de « casser la fatigue » ; elle aidait au travail lorsqu’on refaisait l’aire à battre ou le sol de la maison. Mais bien sûr, la plus grande occasion était «la Noce », qui parfois réunissait plusieurs centaines de personnes pendant 3 ou 4 jours : les danses dites « d’honneur » étaient pratiquées entre la sortie de l’église et le repas; elles répondaient à un protocole strict, contrairement aux danses « récréatives » pratiquées plus librement durant le restant des noces. Une suite particulière se dansait dans la région de Guingamp : la « Dérobée » ; réunissant les citadins de toutes conditions, elle servait à parcourir un itinéraire fixe en cortège ; pourquoi la dérobée? parce que les cavaliers en surnombre profitaient d’un moment où la danse sépare les couples pour se placer devant la cavalière de son choix et la dérober à son cavalier! Les bagarres n’étant pas rares, le clergé tenta d’interdire la danse… Je me rappelle d'ailleurs ce que fredonnait mon grand-père, sur l'air de la dérobée :"la dérobée je la prends je l'emmène - la dérobée je la prends par la main (bis)... Regardez la, la jolie fille, regardez la, car elle est passée (bis)" Mais il rajoutait sur le même air (et lorsque ma grand-mère n'écoutait pas!) "Monsieur le curé est tombé dans la M..., au désespoir de ne plus le revoir, pour le revoir il faudrait que j'm'emm..., que d'm'emme... j'aime bien mieux le laisser - regardez don, comme il a l'air bête, regardez don, comme il a l'air c..."

Mais un nouveau venu, à partir de 1850, envahit tel un raz-de-marée une partie de la Bretagne et accélère le déclin que connaît l’ensemble des traditions populaires : l’accordéon diatonique! Rapidement, il supplantera les instruments classiques dans certaines régions car il est plus facile à jouer, et un accordéoniste coûte 2 fois moins cher qu’un couple de sonneurs! Avec lui arrivent les danses en couple, ce qui là non plus n’est pas pour plaire au clergé. Les recteurs partent en guerre contre la boest an diaoul (la boîte du diable), qui fait danser les partenaires kof a kof (ventre contre ventre) : polkas, scottishs, mazurkas… En fait, la danse traditionnelle se maintiendra jusqu’au début de la première guerre mondiale. Puis les méfaits de la guerre de 14-18, l’exode rural et la mécanisation agricole, l’apparition de nouveaux loisirs, le déclin de la langue bretonne ou gallo font s’étioler la musique et la danse traditionnelle dans les campagnes. C’est le début des bals populaires au son de l’accordéon chromatique où l’on danse les airs « venus de Paris », tangos, javas…

Heureusement, la danse bretonne renaît de ses cendres pendant la deuxième guerre mondiale. En 1943 est créée la Bodadeg Ar Sonerion, l’Assemblée des Sonneurs ou BAS, qui recueille les airs auprès des vieux sonneurs, forme des nouveaux joueurs, crée les bagadous. Puis vient le temps des premiers festoù-noz en salle, vers 1955, des premiers festivals comme celui de Cornouailles en 1964... Ce ne sont plus des fêtes folkloriques figées, mais tout un peuple qui redécouvre ses traditions, la joie de danser par centaines, toutes générations confondues, bras dessus, bras dessous. De grandes collectes (enregistrement sonore ou filmés) ont lieu dans les années 1970, permettant aux vieux sonneurs de passer le flambeau aux plus jeunes et évitant que ce fond si riche ne disparaisse.

Puis c’est la grande vague folk et celtique des années 1970, menée par des chanteurs engagés comme Gilles Servat ou Glenmor, et dont Alan Stivell sera le meilleur représentant, lui qui redonnera en 1972 leur fierté à bien des Bretons de Paris en faisant pour la première fois résonner la langue bretonne à l’Olympia! Depuis, les cercles celtiques, les festivals, les associations, les multiples festoù-noz sont bien ancrés non seulement dans la vie locale bretonne, mais un peu partout en France et maintiennent la danse bien vivante L’Amicale Bretonne de Clamart n’échappe pas à la règle et organise pour la deuxième année des cours de danse, généralement le deuxième et quatrième jeudi du mois, à 20 heures, au centre culturel de la Fourche. Ceux ci sont dispensés par Sylvie Minard, professeur à la Mission Bretonne. Tous les âges sont représentés (et les plus âgées ne sont pas les moins acharnées!), entre 20 et 30 personnes assistent aux cours. La danse développe de multiples qualités :

- physiques, mais les cours commencent toujours par un échauffement

- d’écoute et de concentration, car il faut retrouver le rythme de la chanson

- de convivialité : finies les fêtes tristes où chacun danse dans son coin!

- d’intégration, et les nouveaux venus cette années, pour peu qu’ils aient été assidus, ont déjà bien rattrapé le niveau. En l’absence de Sylvie, un « ancien » est généralement là pour donner un coup de mains au plus débutant ; même si les avis divergent parfois, tout finit dans la bonne humeur! « Il ne sert à rien d’être une lanterne » disait Glenmor, « encore faut-il éclairer l’étable ».

Bien sûr, ces cours ne sont qu’une étape et le but final est d’aller danser en groupe (fest-deiz de la Mission un dimanche par mois, fest-noz de la région parisienne ou lors des vacances bretonnes, les quais de la Seine à partir du mois de mai…). Mais on manque de danseurs hommes pour les danses en couple, et aussi pour les rondes : le savoir-vivre veut en effet qu’un cavalier commence les chaînes et les termine, positions inconfortables où par galanterie, il cède la place à sa cavalière. A ce propos, dans un couple de danseurs, la cavalière est à la droite de son cavalier (son bras gauche sous le bras droit du cavalier!) et c’est pour cela qu’on ne doit pas couper une ronde à la droite d’un homme… Alors, messieurs, on compte sur votre galanterie et les arrivées sont toujours possibles en cours d’année, pour les dames aussi, bien sûr. (PS : pour ceux que la musique bretonne passionne, un seul livre : « Musique Bretonne », aux Editions le Chasse-Marée, Armen)

Thierry Le Guyadec

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