Saint-Pol-de-Léon

PAUL AURELIEN, appelé depuis saint Pol-de-Léon,du nom de l'évêché qu'il fonda vers 530, était le fils aîné d'un seigneur de Grande-Bretagne, nommé Porphius. Il fit de fortes études au monastère de saint Iltut, où ses condisciples furent David, Samson, Gildas qui devinrent des saints, eux aussi.

A l'âge de seize ans, Paul quitta le collège pour aller vivre seul dans un ermitage qu'il se construisit. Elevé au sacerdoce, il rassembla douze autres prêtres, auxquels il bâtit des cellules proches de la sienne.

Le Roi du pays, Marc'h, ayant entendu parler des hautes vertus de Paul Aurélien, le fit appeler et lui demanda d'accepter l'épiscopat dans son royaume. Paul n'aimait pas les honneurs, et, à force d'insistance, il obtint du prince la permission de se retirer et de gagner l'Armorique. Afin de s'embarquer, il se rendit chez sa sœur qui habitait au bord de la mer dans un monastère de Cambrie. Chacune des grandes marées menaçait les murs du monastère. Paul défendit à la mer de dépasser désormais les limites qu'il lui assignerait.

Le lendemain, dès le point du jour, Paul et ses disciples prirent passage à bord d'un navire préparé pour eux. Ils hissèrent les voiles et laissèrent le vent souffler. Celui-ci les conduisit dans l'île d'Ouessant. Après avoir visité l'île, Paul s'arrêta dans un lieu où jaillissait une fontaine, et décida d'y construire son oratoire. C'est maintenant Lan-Paul, le chef-lieu de l'île.

Paul pensait demeurer à Ouessant, bien que le séjour en fût très pauvre, quand, au cours d'un songe, un ange lui déclara qu'il ne devait pas s'attarder plus longtemps dans cette solitude, mais gagner la côte armoricaine. Il reprit son navire et, de nouveau, le laissa voguer au gré du vent. Il toucha l'île Molène et fit mettre pied à terre à tout son monde. La nuit suivante, le même ange lui dit que ce n'était pas encore là le but de son voyage. La navigation reprit et, cette fois, le navire aborda dans l'anse de Porsal, auprès du rocher d'Amach Du (le rocher noir).

Paul édifia son monastère dans la forêt voisine, au lieu appelé aujourd'hui Lampaul-Ploudalmézeau. Les moines, comme de coutume chez les cénobites bretons, se dispersèrent dans les bois. Chacun construisit lui-même sa cellule. L'un d'entre eux, nommé Jaoua, installa la sienne auprès d'une fontaine. La divonne avait un autre amateur : un buffle sauvage qui, à coups de cornes, détruisit la hutte nouvelle. Le moine la rétablit, le buffle la redémolit. Jaoua se rendit auprès de Paul pour réclamer son aide :

- Cède-moi ta cellule, dit Paul, et prends la mienne.

Le soir, quand le buffle se trouva en présence du saint, il se jeta à ses pieds, les fanons dans la poussière, la queue basse, puis il s'enfonça dans la forêt et ne reparut plus.

Afin de remplir totalement sa mission, Paul reçut l'ordre du ciel de se mettre en rapports avec le gouverneur du pays. Pour rencontrer ce dernier, il suivit le littoral du Léon jusqu'à l'embouchure de la rivière de Morlaix. Là, il trouva un porcher qui le conduisit auprès du comte Withur. Celui-ci avait sa résidence dans l'île de Batz. C'était un prince pieux et instruit. Quand Paul se présenta devant lui, il copiait le manuscrit des Evangiles. Les deux hommes se regardèrent et se reconnurent. Ils s'embrassèrent, car ils étaient parents. Pendant qu'ils rappelaient leurs souvenirs d'enfance, un incident curieux se produisit. Un pêcheur apporta un énorme saumon, qu'il venait de capturer dans ses filets, et dans le ventre duquel il avait trouvé une jolie cloche d'argent et de cuivre.

Paul, en examinant cette cloche et en l'entendant sonner, ne put s'empêcher de sourire. Et il dit au comte :

- Cette cloche me paraît la même que celle dont je désire vous parler. Le roi Marc'h en possédait sept pareilles, toutes aussi jolies l'une que l'autre. Elles lui servaient pour appeler aux repas ses convives. Au moment de le quitter, je le priai de m'en donner une en gage de notre amitié. Il me la refusa. Voici que Dieu m'envoie cette cloche, afin que, la recevant de vous, nous n'en ayons l'obligation qu'à lui.

Et cette relique se trouve encore aujourd'hui dans la cathédrale de Saint-Pol-de-Léon.

Au cours de leur conversation, Withur dit à son parent qu'il y avait dans l'île un serpent monstrueux, si grand et si vorace qu'il avait dévoré deux boeufs et deux hommes en un seul jour. Son corps était couvert d'écailles tellement dures que les épées et les javelots les plus trempés ne pouvaient les percer. Withur, à plusieurs reprises, avait fait attaquer le monstre par ses soldats. Certains y avaient perdu la vie, d'autres n'avaient échappé à la mort qu'en prenant la fuite.

Paul résolut aussitôt de provoquer le serpent et d'en délivrer le pays. Quoiqu'on pût lui représenter pour l'empêcher de s'exposer au péril, il s'approcha du dragon, lui mit son étole au cou et, le traînant comme un animal domestique, hâtant même quelquefois sa marche à coups de bâton, il le mena sur un rocher de la côte septentrionale de l'île et lui commanda de se précipiter dans la mer pour n'en plus sortir. L'événement se produisit en présence du prince et de sa cour qui, bien qu'il fût exempt de danger, n'osaient regarder que de loin ce merveilleux spectacle.

Withur fit don à Paul de toute l'île de Batz où il établit un monastère principal. Il lui concéda, en outre, des terres importantes sur le littoral de la côte.

Withur, en constatant tout le bien que faisaient chez lui le séjour et l'autorité de Paul, le supplia d'accepter l'épiscopat.

- Je vous répondrai comme j'ai répondu jadis au roi Marc'h, je préfère quitter le pays.

Mais Withur ne se tint pas pour battu. Puisque la persuasion n'avait aucun effet sur Paul, il aurait recours à la ruse.

- Le roi Childebert, lui dit-il un jour, qui m'a donné le gouvernement de cette région, me demande de lui déléguer un envoyé spécial, pour régler certaines affaires urgentes. Vous seul êtes à même de remplir cette mission.

Paul Aurélien ne voulut pas refuser ce service à Withur. Il accepta de se rendre à la cour de France et partit porteur d'un pli soigneusement cacheté. C'était un message où Withur insistait sur la nécessité de proposer l'épiscopat à son envoyé.

Childebert, entrant dans les vues de Withur, fit mine d'adresser de véhéments reproches à Paul sur son manque de charité qui le faisait garder pour lui seul son grand talent, au lieu d'en faire profiter son prochain. Prenant ces remontrances au sérieux, le malheureux envoyé se mit à genoux devant le Roi et se déclara prêt à exécuter tous les ordres qu'il lui donnerait :

- Alors, dit le roi, tu accepteras d'être évêque.

Et immédiatement, par trois évêques qui se trouvaient de passage à Paris, il lui fit donner, malgré ses larmes, la consécration épiscopale.

De retour dans le pays de Léon, Paul Aurélien s'occupa d'organiser son diocèse. Son monastère principal demeura dans l'île de Batz, mais il fixa le siège de son évêché à Castel Pol (aujourd'hui Saint-Pol-de-Léon) et construisit sa demeure parmi les ruines d'une ancienne forteresse gallo-romaine. Dans cette enceinte, s'élevait un gros arbre creux, où gîtait une quantité considérable d'abeilles. Paul divisa cette masse en essaims qu'il lança dans toutes les directions, pour que les agiles travailleuses y portassent leurs dons. Des buffles et des ours étaient aussi les hôtes de la forteresse, ils reçurent, à leur tour, l'ordre de gagner les forêts lointaines. Une laie sauvage refusa cependant d'obéir au saint. Elle allaitait une portée et ne pouvait s'éloigner. Le saint, touché sans doute par ses vertus maternelles, la caressa. La bête se fit plus douce et demeura dans la porcherie de l'évêché. Elle donna naissance à une espèce porcine superbe, connue en Bretagne sous le nom de race royale des porcs.

Cependant Paul aurait bien voulu se délivrer des charges de l'épiscopat. Il se fit désigner, trois fois de suite, un coadjuteur, choisi parmi ses meilleurs disciples. Trois fois de suite, le coadjuteur mourut, un an jour pour jour après sa nomination.

Paul Aurélien vécut très vieux. Certains hagiographes assurent qu'il atteignit l'âge de 140 ans. On dit que les travaux, les jeûnes et l'âge avaient tellement miné son corps, qu'il n'avait plus de chair et que sa peau, tendue sur les os, laissait passer les rayons du soleil à travers ses mains desséchées.

C'est dans l'île de Batz, dans une cellule qu'il avait fait construire proche de son monastère, que Paul Aurélien mourut. Son corps fut transféré sur le continent et enseveli dans la cathédrale qui porte son nom : Saint-Pol-de-Léon.

Ce n'est pas sans regrets et même sans violences que les habitants de l'île de Batz laissèrent s'en aller le corps de celui qu'ils regardaient déjà comme leur grand saint.

Dans le but d'accommoder les désirs des uns et des autres, des insulaires et des terriens, les disciples de Paul recoururent à un ingénieux moyen. On prépara deux chariots attelés chacun de deux bœufs, que l'on plaça à mi-distance de île et de la ville. Le fond des chariots se touchait et les attelages étaient tournés l'un vers l'île l'autre vers la ville. Le cercueil fut placé sur les deux chariots, moitié sur l'un, moitié l'autre comme pour laisser au mort le choix de son tombeau. La tradition assure qu'au moment où les attelages se mirent en marche, la bière devint invisible aux personnes présentes, qui ne purent ainsi discerner lequel des deux chariots emportait le précieux fardeau.

Ce n'est que plus tard, quand les deux chariots furent arrivés, l'un au bord de la mer, l'autre à l'entrée du Castel Pol, que les insulaires trouvèrent leur chariot vide et que les habitants de la ville, avec de grands transports de joie, purent prendre possession des restes mortels de leur évêque.

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